Curieuse journée, qui me fait survoler peut être 150 ans ou presque, sans chausser les bottes de Gulliver !! pourtant, ca pourrait être la journée typique d'un vigneron citadin d'ici dix ans !! Le matin, ai téléphoné à deux courtiers, pour prendre le pouls. Hélas, la fievre électorale se traduit en frigidité oenologique, semble t'il. Ensuite, parce qu'ici est un lieu à bien des égards prodigieux et archéologique, j'ai rangé une partie de la cave, et je me suis retrouvé en commandant du Titanic . Et pourquoi pas de Jaurès ?
Arrivait Midi. Je fus de corvée, n'ayant qu'un céléri rave, et deux magrets. Le céleri rave, je l'aime ainsi, se transforma vite en rémoulade d'une part, et purée de céleri de l'autre, ce qui convient bien à un gibier, ou une viande en sauce
Les deux magrets, plutot mulards hélas, furent préparés au poivre vert, et cognac. Avec cela se posait la question de "quoi boire" ?
Un oenologue de mes Corbières m'avait parlé de bouquet, d'arômes tertiaires, et cela taraudait mon imagination. Hélas, dans la cave, je ne retrouvais pas - a moins qu'il ne fut terminé - le VOLNAY 1989 que je convoitais. Je pris son petit frère, un POMMARD 1993, du même producteur, faisant confiance à Napoléon sur les bienfaits de ce vin (en ce quoi, j'eus tort)..
Le Pommard est bien conservé, malgré ses dix huit ans, sa majorité, mais il manque de puissance et de concentration semble t'il. Le BF déjà plus fondu qu'il y a six mois montre son caractère de grand cru, puissance, discrétion, élégance, mais une touche d'éloquence à la ( ) aiderait à lui conférer plus de hauteur. Il faudrait une pincée de syrah pour colorer le tout, mais c'est dans la bonne direction . en définitive, les deux vins - dont les prix sont très différents, sans doute 300 € à l'heure actuelle pour la première bouteille, et 10 pour l'autre - conviendraient. Un canard au sang, d'ici mai, devrait mieux correspondre au pommard, alors que le BF s'accomode mieux du grillé et du poivre vert, et du style bordelais
L'après midi, je reçus un chinois étudiant en école de commerce en france, c'est sa deuxième année, et pourtant son français n'est pas courant. Mais il vient de passer deux semaines à Gaillac et veut comprendre le monde du vin, les marges, la valeur, etc, le marketing, car la Chine est folle de vins, comme la France fut folle de tulipes sous Louis XIV.
De cette leçon de choses j'appris avec étonnement des faits ou tendances à l'encontre de ma pensée profonde. Non, non il ne souhaitait pas rentrer en Chine pour y créer sa propre sté et faire fortune, mais au contraire travailler en France, vivre à Paris "où il y a plus de choses à voir qu'en Chine". Je lui dis mi goguenard qu'au contraire des gens comme moi souhaitaient s'installer en Chine, pour refaire la ruée vers l'Or. Il me regarda avec étonnement, et me dit "la france, c'est bien mieux". Enfin, oui, dans les écoles de commerce chinoises en ce moment, les grandes UV ou class qui ont les faveurs des étudiants sont "le vin" (comment le vendre, le boire, le produire) et la "viande" (l'élevage des vaches, le lait, la filière viande). Au monde du péril jaune, je vois que le blanc et le rouge ont encore un bel avenir. Il m'expliqua aussi la viticulture chinoise en plein boom, dans une région entre la Corée et Pékin, un peu l'équivalent de notre Provence. Hélas, c'est là dont est issue la commande que nous venons de recevoir !! Serons nous copiés ? Mais à part les vins, sa plus grande curiosité porte sur les antiquités, sur toutes les vieilles choses de l'Occident, qu'il découvre dans mon bureau, me confiant un peu sa frayeur d'avoir du dormir dans un vieux château du Tarn, dont les volets battaient, mais qui manifestement excitèrent son imagination. Se termine mon périple de 200 ans, en moins d'un jour, entre la rue du Cherche Midi et le Tarn de Maurice de Guérin, un vol vers Langon et Malagar, où F. MAURIAC n'aurait pas manqué de penser que la Chine à son tour était elle soluble dans le rouge français.
PS. ou NB.
Le soir, donc 7 h après ouverture, le Pommard tient encore la route, mais on ne sent qu'un vin "chaud", l'alcool est trop brûlant, alors que la concentration manque pour un bon équilibre. On voudrait le trouver plus délicat en cette soirée de vendredi, plus en robe de soirée, en finesse. En revanche, le BF est très délicat, fin, plus féminin qu'à midi, comme si l'ouverture l'avait adouci. Pourtant, ami lecteur, il ne fait qu'accompagner un peu de pain et un fromage frais et gras que beaucoup ignorent, poutant pure merveille : le Brillat Savarin. Le Brillat Savarin, c'est un peu comme un petit suisse triple creme, un st moret avec une crème douce et fine.