jeudi 18 septembre 2014

SAUCISSON, REFLEXIONS, VISIONS

Nous revoici dans le Midi, après un intermède sulpicien, le 5 septembre.

Dieu aime la France, car autant que je puisse en juger, le temps début septembre est devenu chaud, ensoleillé, si bien que les vendanges risquent d'en bénéficier, notamment sur les régions inondées tout l'été. Tant mieux, car voir ainsi compromis le travail de milliers de domaines par les caprices du Ciel, a de quoi stresser.

Je pensais à tout cela, et à plus grave encore, et commencais à ruminer que franchement, non, l'année pour bien des gens dans le monde, en france aussi, n'était pas facile, doux euphémisme. Pour moi :  en particulier, qui aime être maître de mon temps, je ne le suis plus, et de plus,  de moins en moins, alors que la retraite signifiait une liberté retrouvée. Mille choses m'occupent, ou plutot me dévorent, en ce moment ce controle fiscal, demain les travaux à faire, les clients a voir, les embouteillages à décider, la trésorerie de 2015, demander ma retraite, payer les impots, rechercher des objets disparus, faire les plantations d'automne, aller voir la chapelle qui prend l'eau, la toussaint, le mailing de fin d'année...ronde infernale dont je souhaite m'échapper.

Aussi redescendre de Paris au sud est une sorte de récréation  dans cette ronde. Nous décidâmes de le faire en deux jours, plutot que d'aller vite, par l'autoroute, et etre abruti le jour suivant. Un peu intuitivement, cette fois ci, je suivis la RN7 depuis fontainebleau, la vraie, pas son double autoroutier. D'ailleurs, les morceaux difficiles ont été renovés. Ce qui est frappant, c'est tous ces départements du loiret, allier, nievre, glisser dans une torpeur. Les villages ont perdu de leur caractère rieur. Semblent parfois abandonnés ou vides. Des maisons sont fermées, les volets clos. Roanne aussi a changé, on démolit les vieilles usines textiles en briques. 

Plus loin, par contre, des villages de la Hte Loire dont j'avais cru l'avenir perdu ou impossible sont vivants, des usines, des trottoirs propres, une vie. Pourquoi ? les subsides européens ? St Bonnet le Froid est ainsi, alors que la Louvesc, sa voisine d'ardeche, qui fut il y a 50 ans une coquette station de vacances, vivante, et peuplée est aujourd'hui morte et figée. Je n'ose pas interroger St Jean Francois Régis, enfant de l'Aude, né à Fontcouverte, venu mourir ici en voulant évangéliser les parpaillots de la Hte Loire..

Ma madeleine de Proust fut curieusement une rondelle de saucisson servi dans le restaurant CHATELARD à St Bonnet le Froid. Je retrouvais instantanément le goût de ce saucisson de montagne pur porc qui baigna mon enfance, et avec lui, arriverent des tas de souvenirs, et de réflexions....La France est un vieux pays paysan, cela se voit encore a ses murailles des champs montées il y a plus de 500 ans,


et a la vie de son peuple. Paysan à sa manière, pas paysanne comme un fermier japonais, ou un céréalier américain..Et j'en arrivais à disserter sur l'aphorisme pétainiste "seule la Terre ne ment pas"..Hélas, les nourritures du restaurant n'étaient plus celles de mon enfance, ni du plateau, mais presque exotiques pour mes montagnes, coquilles st jacques etc.

Et que finalement les deux meilleurs Présidents de la République, de la Ve, étaient sans conteste les petits fils de paysans, ou de militaires paysans..c'est à dire des gens qui avaient des racines puissantes, et centenaires dans ce sol. Mais ce monde là disparaît, me semblait il, et me vint une autre crise tenant justement à cette disparition, a ce changement, qu'allait devenir la France si tous les paysans disparaissaient ? si ce qui fut notre structure pendant 2000 ans, ce mélange d'indépendance et de solidarité, d'ardeur au travail et de simplidicité, d'attachement a cet horizon et à une vie simple, disparaissait ? déjà bien des choses craquaient, voila bientot depuis 50 ans, a tel point qu'une chatte ne reconnait plus ses chatons ? le monde ancien, ou est il ? non que j'y fusse attaché particulièrement, mais celui de demain me semble pire, bien pire. Quand les femmes montrent les dents a la Republique, à leur propre grandeur, et ceci dans un concert d'applaudissements, qu'aurait pensé Madame de Gaulle à laquelle je me réfère souvent quand les murs tremblent ?? non, ce n'est pas convenable.

Dieu me répondit le lendemain au moins deux fois. Après La Louvesc, existe une longue descente sur l'Ardeche et Tournon. La végétation change rapidement, passant des mélèzes aux marroniers, puis aux oliviers presque. A un virage, dans un pré, se tenait de grand matin une bergere et ses chevres. Je n'osais la photographier. Mais le passé ressurgissait. Le prochain village était St Félicien, le nom d'un fromage introuvable a Paris. Je demandais à une vieille dame, et elle me conseilla la boucherie, où il y avait encore des trésors là aussi disparus ailleurs, à des prix d'avant !!! jambonette, feuilleté, saucisson a la fleur et frais, saucisse, fromages, nous voici enfin munis. Les gorges de l'Eyrieux sont impressionnantes, et que fut dure sans doute ici la vie d'autrefois.



Tournon, Valence, Montelimar, puis à Bollène, tournant. Je veux voir Gordes. Le hasard me ramene a UCHAUX où le restaurant COTE SUD je crois est toujours aussi agréable par ses plats et sa tonnelle. Et complet........Je n'ai pas croisé la veuve de Carpentras, mais c'est une bien belle ville, me sembla t'il.

Alors que je m'attendais à un pays plat, dès la fin du couloir rhodanien, ce ne sont que des petites routes de montagnes et des virages pour atteindre Gordes. Le pays est rempli de touristes, il est impossible de stationner, et après une halte planifiée et rapide, nous nous enfuyons. Les vignes que nous avons vu sont hétérogènes, certaines bien soignées, d'autres maigres, parfois l'oidium, parfois manque de grappes ou trop de grappes. Mais les vignes des coteaux sont en général plus intéressantes. Je revois Gigondas apres 35 ans, et tous ces villages connus du sud, Rasteau, Beaumes de Venise, Sablet, Ste Cécile des Vignes, ou les vendanges battent leur plein. Machines souvent, équipes aussi.




Les vignes de Provence, apres AIX, semblent plus saines et plus intactes. St Maximin traversé, qui s'étend de plus en plus. Enfin, la vieille maison est la, accueillante.

Curieusement, ou pressentiment, ce voyage m'avait mis mal à l'aise. Certes, existait un pays que j'avais connu, inchangé dans ses paysages, mais mille choses disaient son malaise, des volets fermés des maisons d'autrefois à ces zones commerciales hideuses, ou ces pavillons construits à la va vite. Peu de gens rieurs dans les rues, ou attablés à une terrasse. Des fourmis pressées sur l'autoroute.

Apres la bergère, la seconde vision déterminante fut celle d'Antenne 2, l'apres journal de midi, qui parlait de la paysannerie, et qui fut la brique manquante de mon lego cérébral. Cette émission de 40 mn parlait justement de la paysannerie et de la crise. De mémoire, la famille FILOCHE, dans la Sarthe, et une autre différente du Cantal. Il serait difficile de résumer sans les images la vie de ces éleveurs, de leurs difficultés, mais ce qui m'a impressionné, c'est disons la grandeur, au sens mental et moral du terme, des enfants, dans les deux cas. On voyait que bon sang ne saurait mentir, et ca criait a travers l'écran plus que des mots de grand orateur, une vérité, un coeur, une structure, une force déferlait, dont je ne pense pas que le réalisateur lui meme avait conscience. Ces gens la étaient non seulement authentiques, mais étaient des gens bien, dans la vérité, et au dela des épreuves qu'ils traversent. Cela m'a rassuré, apaisé. Comme un arc en ciel dans un jour d'orages.

Non, non tout n'est pas mauvais du Passé, au contraire. Il ramene parfois à l'essentiel, c'est à dire au fondamental. D'ailleurs, hier, mais c'etait plus rationnel, le meme journal televisé a montré une expérience scientifique confirmant que l'apprentissage de la lecture syllabique était le plus efficace :!!! ce que tous les gens de bon sens savaient depuis 1914. Tout le monde en 1945 savait lire !! couramment, et écrire. Et dire qu'aujourd'hui la France se satisfait d'une école genre broyeuse dont 20 % des éléves entrant en 6eme - et non pas en 11eme - ne savent pas lire couramment !!!

C'est comme si un paysan négligeait 20 % de ses vaches !!!!


DEGUSTATION DU CLOS REDON 1998

Avant hier, un peu par hasard, mais aussi par curiosité, et aussi par auto-récompense à propos de je ne sais quoi, j'ai sorti de la cave ou elle dormait une bouteille de CLOS REDON 2002.


La cave de Hyeres, si elle est vaste et bien enterrée, n'est pas tres optimale, car l'été, elle peut être assez chaude, aux environs de 20°C, mais disons qu'elle est quand même convenable.

Voila bien longtemps que je n'avais goûté ce vin. De ce milésime, que je qualifie de septembre de Jean Paul II, car il fut étonnamment beau et chaud sur toute la France, j'ai dégusté plus tôt dans l'année un chevreuse, à mon avis en limite de consommation, et un SABRAN, qui lui était parfait. Pour les puristes, à l'époque, le chevreuse était issu directement de la SABRAN, avec vieillissement en fûts. Les deux ont eu des médailles d'Or à des Concours, c'était le début du réveil de Mattes, qualitatif, sous l'oeil de M. Jacques RUFFEL.

Ce fut aussi le dernier millésime qu'on fit pour les Caves ROCBERE. Ensuite, nous prîmes ou plutôt reprîmes notre indépendance.

A l'épque, notre encépagement n'était pas le même. La, c'est une pure syrah, relativement jeune, des courtalous, donc une vigne de 8 ans, jeune. en outre, notre taille était longue.

C'est donc un vin différent des vins d'aujourd'hui, plus faible en alcool, moins concentré. a l'époque, il était assez proche d'un vin moyen des vignobles de Crozes Hermitage ou St Joseph.

 Voila la bouteille. Le verdict, ce vin aura t'il tenu 15ans ? - mon objectif d'alors - quel est il ?

Ce qui est frappant c'est que le bouchon est, au bout de 15 ans de bouteille, toujours intact, et parfait. Le niveau est intact. Oui, bouchon de qualité, alors qu'aujourd'hui, on trouve de plus en plus souvent des bouchons, et même sur des grands vins, "indignes".

C'est un bouchon TRESCASES, et nous utilisons les mêmes ou de meilleurs, pour les vins d'aujourd'hui.

Quant à la dégustation, le vin a une couleur identique, dense, brillante, le nez leger mais typique de la syrah, la bouche révèle quant a elle la complexité si peu fréquente d'un vin de 15 ans, le bouquet fin de fruits mûrs, comme des cerises a l'alcool, et des noyaux, le vin paraît certes dilué par rapport a ceux d'aujourd'hui, mais la longueur en bouche, la persistance sont assez exceptionnelles. Oui, un côté exceptionnel.

Le lendemain, sacrilège, j'avais mis la bouteille au frigo - j'ai horreur des vins trop chauds - et au déjeuner, le vin était intact, préservé, pas du tout oxydé, et toujours intact. Je suis incapable de dire combien d'années encore il pourra être gardé en cave, mais je suis fier de voir que mes propos d'aujourd'hui - le CLOS REDON  peut se garder et s'améliorer sur 15 ans - sont tout à fait fondés. Et donc, fort de cette expérience, nous allons nous même stocker des millésimes pour les vendre plus tard.




A votre santé !! et stockez du 2011 pendant qu'il en est temps !




dimanche 7 septembre 2014

CERTITUDES DES COEURS SIMPLES

A l'heure où l'actualité déverse un flot d'insanités inimaginables, noyant tous dans un flot inégalé de boue fétide, où les chevaux mal dressés ruent dans les brancards, les vendanges ont commencé sans moi. Les blancs ont été faits cette semaine, à l'exception du muscat dévoré par les sangliers en une nuit ! Si le volume se situe dans la moyenne des dix années années, pour les mêmes parcelles, il est en recul sur 2013 et 2011, mais voisin de 2012.

Les rouges vont bientôt suivre, avec une peau epaisse, signe que l''eau a manqué au bon moment (avril, mai). Nous verrons bien. Que le temps tienne, car septembre semble meilleur que l'été..

Me voici pour quelques jours à Paris, pour des jours singuliers !! mais hier, en écoutant une nouvelle fois l'histoire des taxis de la Marne, il m'est revenu une histoire curieuse dont mon enfance a été bercée et que j'avais presque oublié.

Je n'ai pas retrouvé la photo qui aurait tout expliqué. Peut être dans les prochains jours ? toujours est il, qu'enfant, je passais beaucoup de temps chez un couple de gens sans enfant, à l'ancienne, âgés d'environ 80 ans, nés vers 1880,  ex domestiques, qui étaient restés sur place une fois la retraite atteinte; D'ailleurs, les activités continuaient, devidage de la soie naturelle, chargement du charbon, jardin potager, entretien des lapins, lavage des voitures, etc. Un peu des grands parents, mais différents. J'avais tous les jours mon couvert mis, et sans doute là que je suis devenu gourmet. L'intérieur aujourd'hui paraitrait misère, cuisine et atelier dans la pièce d'entrée, deux petites chambres, pas de salles de bains, ni de wc..le fourneau assurait le chauffage, et l''eau n'arriva qu'en 1959.

Toujours est il que Mémé Maria parlait peu. Un jour je lui fis entendre un des premiers transistors, et elle regretta simplement que les polkas ou mazurkas de sa jeunesse n'existent plus. Son mari, épousé avant 1914, fit toute la guerre, notamment Verdun, de 1914 à 1918, comme ordonnance, et en ramena d'ailleurs un pistolet que je crois avoir encore. C'etait un homme intelligent et de coeur et de bon sens.

Mais une chose partageait ce couple uni et paisible. La victoire de la Marne...Lui, en bon rationnel - catholique certes - vantait les efforts de Joffre et des soldats. Elle, sans insister, mais sans en démordre, parlait de miracle de la Marne, en disant que le 8 septembre, jour de la Nativité de la Ste Vierge, une vierge était apparue sur les lignes allemandes et les avaient stoppées. Enfant, j'écoutais d'une oreille distraite, et je ne me souviens pas des détails, seulement de la conviction qui l'animait alors, et ils passaient à autre chose.

Pourtant Mémé Maria n'était pas une grenouille de bénitier, ni une scrupuleuse, certes catholique et chrétienne, mais ayant une vision des choses modérée. Ce qui est surprenant, c'est que je me souviens de son deuxième "dada", si j'ose dire. Fatima et les prophéties. Elle croyait fermement et sérieusement que la Russie se convertirait, alors que le communisme était triomphant a l'heure de Gagarine !!! sans faire une quelconque analyse politique, ni stratégique. Simplement parce que c'etait inscrit dans le ciel, comme la vierge de la Marne l'avait été.

Aussi quand je vois la renaissance de l'orthodoxie en Russie, la construction d'églises, etc, bref en quelque sorte la réalisation des paroles d'un coeur simple qui n'avait jamais quitté son village, je suis pris d'un certaine vertige. Et il me revient aussi d'autres souvenirs. Lui, avant la guerre, avait été marchand de vins, plus exactement employé par un marchand de vins, livrant des tonneaux en charrette aux clients. Il y avait d'ailleurs dans la cave un tonneau qui me semblait gigantesque, et était donc descendu, sous la chambre !! tonneau auquel j'allais souvent tirer avant midi une bouteille pour la journée. Sans doute est ce la que j'ai goûté mes premiers vins, parfois purs, sans doute d'algérie ou coupés, qui ressemblaient assez a nos grenaches d'aujourdhui.