samedi 9 mars 2013

DU VIN ET DE LA MODE.

S'il était besoin de se persuader (voir épisode suivant) de notre vanité à tenter de prévoir  l'avenir, un exemple viticole sur 30 ans suffirait à le faire, à travers un numéro  retrouvé de "Cuisine et Vins de France" datant de 30 ans, avril 1983, et présentant la viticulture française d'alors, hier.

Pour comprendre les choses, à l'époque le SMIC est de 22.83 FF (soit 3.45 € en nominal), mon salaire mensuel est d'un peu plus de 10.000 FF, et ca fait 5 ans que je travaille...à l'époque, j'économisais 50 % de mes revenus..Aujourd'hui, pour simplifier, le SMIC est à 10 €. Voila les bases de comparaison.

Quand on parcourt ce numéro, les très grands noms sont restés les mêmes (Bouchard, Comte Lafon, Lenguesaing, Château de Malle, Cheval Blanc, Yquem). A l'époque, YQUEM est  le vin le plus cher de tous les vins français , environ 600 FF pour un millésime récent.

Un château Laffite vaut environ 120 FF, et c'est l'un des plus chers des médocs, environ deux fois plus que ses confrères. . Pichon Longueville, Mouton sont à 95 F. Soit l'équivalent de 50 € en pouvoir d'achat. La plupart des Crus Bourgeois sont autour de 30 FF, voire moins.

Les vins de Gigondas, même dans les plus fameux, sont à 20. FF/. Les Chateauneuf du Pape sont plus cher, à 45-50 FF, sauf Rayas à 100 FF (soit l'équivalent de 40 € aujourd'hui). Les très grands bourgogne valent 80 FF, et on peut en trouver beaucoup entre 20 et 50 FF. Les vins de Loire, d'Alsace sont entre 15 et 20 FF. La Provence n'est pas encore célébrée.

Mattes est vendu par la coopérative à 11.50 la bouteille. Disons pour simplifier  qu'une bonne bouteille vaut alors 1 heure de travail au SMIC . J'ai l'impression de commettre la dépense du siècle en achetant du PICHON LONGUEVILLE lors d'un voyage en Hollande, au prix de 85 FF..la bouteille.

Aujourd'hui, Yquem existe encore, mais M. de LUR SALUCES est devenu un fantôme, le vin le plus cher est la Romanée Conti, qu'un caviste dans le quartier vend au prix de 9500 € la bouteille pour un millésime récent, soit 950 heures de SMIC. Ne parlons pas du prix des millésimes anciens.

Petrus, Cheval Blanc partent en primeur à plus de 500 € la bouteille...Un châteauneuf banal vaut couramment 40 à 70 €. Les bourgognes blancs sont introuvables..

Les Corbières sont encore Corbières,  le vin y est toujours abordable, et de plus en plus bon, grâce à Dieu.. A votre santé !!! Hélas pour elles, elles n'ont pas su prendre en temps et en qualité la place de ces vins au prix astronomique, phénomène que créa M. PARKER, vers 1990 d'abord. Mais les yeux voient  que beaucoup d'appellations, ou disons des poches de réputation ont surfé sur  les prix.  Dans ce cas, ce n'est pas la technologie chinoise qui a changé le prix des bordeaux, mais plutot la soif des chinois (et des américains). Voila qui fut surprenant et était relativement imprévisible. A l'époque, la Californie sortait ses premiers cabernets (ah la semaine dernière, sur ARTE,  le samedi, un excellent reportage sur le vignoble canadien de l'ALBERTA où la plus vieille vigne a moins de 25 ans)...Qui aurait imaginé que les chinois , ou pour simplifier les "riches" auraient poussé le bouchon aussi loin, en matière de prix..Je ne peux que  le déplorer en voyant aussi que  la plupart des restaurants "moyens" affiche des vins si chers et mauvais..mais j'ai vu un restaurant de Paris mettre de bons corbieres à sa carte, il conviendra de lui rendre visite. Et l'effet le plus immédiat de cette mondialisation des vins a été d'une part de rendre beaucoup de vins inacessibles au consommateur moyen, et d'élever le prix des vignobles les plus fameux (jusqu'à 5 millions l'ha...).

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