mardi 5 novembre 2013

NOUVELLE ETAPE

En 1993, voila déjà 20 ans - mais qu'il fut à la fois court et long ! - devant les réalités, je décidais qu'il fallait "aller vers la qualité", et changer notre façon de penser, et surtout de travailler, et de produire. Ce n'était pas évident, car derrière ce simple mot, c'était une révolution, contre les habitudes, les facilités, le confort. Il fallait changer par exemple la taille, les cépages privilégiés, les matériels de cave, la facon d'assembler. Mais y avait t'il un autre choix ?

Retrospectivement, ce virage fut pris in extremis . 10 ans plus tôt, Mattes aurait été dans les précurseurs...10 ans plus tard, hélas, nous aurions été morts..Pourtant, 20 ans, ce virage m'apparaît simple, et facile à mettre en oeuvre. Il fut rapide aussi, car du niveau moyen de 1993, en 1998, nous avions une médaille d'Or au Concours General Agricole de Paris, et aussi un coup de Coeur du Guide Hachette, pour notre syrah 1996. 1998 vit aussi la première "vraie" cuvée vieillie en barriques, changement là aussi, avec la CHEVREUSE 1998, baptisée SIMONE BERCHON.

La vie, pour dure qu'elle fut à l'époque avec les difficultés de l'heure - succession du domaine, départ de la coopérative de Portel, plan d'investissement en cours de 120.000 €/an pendant cinq ans - m'apparaît maintenant simple par rapport à aujourd'hui, les ventes directes se développaient rapidement, à + 20 % par an, et le Corbières vrac, ami lecteur, oui, le corbières vrac se vendait plus cher qu'aujourd'hui !!!

Je décidais alors intuitivement qu'il fallait se fixer un nouveau cap, "les grands vins", et reprendre une marche en avant. Par "Grand Vin", j'entendais "bon vin, vin de qualité, capable de se garder 15 ans", et pour multiplier la difficulté, je décidais aussi qu'il fallait aller vers les blancs, car qui vinifie bien les blancs peut vinifier les rouges, qui sont plus faciles. Un grand blanc, c'est être vigneron. Le rouge, c'est souvent avoir de la chance.

 Dimanche dernier, nous ouvrimes une bouteille du vin de cette année là, 1998, pour voir. Le vin n'est pas passé, il est agréable, une bonne longueur, il ressemble d'ailleurs à la cuvée barriques 1998, mais en plus frais, comme si l'oxydation avait été moindre. La couleur est encore fraîche, et l'on sent bien sûr la syrah présente. Pourtant, des défauts apparaissent, à nos yeux de 2013, ou plutot à ma bouche, la structure est un peu faible, la simplicité l'emporte sur la complexité, l'attaque n'est pas brillante et unique comme dans un Grand Cru.
Paupiette de veau, girolles, et ravioles du Dauphiné
C'est en buvant ce vin que se cristallise dans ma tete une intuition que j'ai depuis 2010 sur les progrès à faire. Il faut accroître la complexité de nos vins, en renforcer le côté unique voire exceptionnel. C'est vouloir passer de la qualité à l'exceptionnel. Beaucoup de facteurs entrent en jeu, l'âge des vignes, nos assemblages, notre élevage, la date de la mise en bouteilles, et bien sûr produire de tres bons produits à la base.

Mais confusément, je sens deja que le virage est amorcé. Le CLOS REDON 2011, par exemple, est un assemblage de quatre lots relativement uniques et différents, qu'on a assemblés au bon moment, et mis en bouteilles, je pense, à la date optimale..même si j'ai pris beaucoup de risques. l'APOLLON 2008, et le BF ont été aussi des prototypes, ou des essais plus exactement, dans le vieillissement. LE DIONYSOS 2011 a un caractère "unique", et de finesse notamment, plus fort qu'en 2008, ou 2009. En Blanc aussi, le CLOS DU MOULIN 2010, toujours disponible, a marqué aussi un virage, qu'on verra apparaître au fil du temps.

Le défi, le challenge de cette 3° étape est sans doute plus difficile, car il implique tout à la fois  un travail fin en caves, de la sélection, de la mémoire olfactive, de sélectionner les bonnes cuves au bon moment, puis de mettre en bouteilles sans trop attendre, car le vin évolue. Bref, de faire une sélection "dynamique" (dans le temps, car le vin évolue), et prévisionnelle, car il faut aussi deviner comment l'assemblage évoluera !! Mais la première condition est de disposer de cuvées irréprochables, et même ayant "un caractère", un coté unique. Voilà qui rend plus hasardeux notre approche, car les paramètres sont multiples et aléatoires, à partir d'un certain niveau (le temps, jour de la vendange, cuvaison, levures, élevage, etc). C'est comme la grande cuisine, avoir de très  bons produits de base, et ensuite cuire exactement, ou combiner. Le Génie du cuisinier. Sauf que le vigneron doit maîtriser des quantités x millions de fois supérieures !! et qu'il est jardinier avant de passer a la cave.

Ce sera le défi des dix prochaines années.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire