Faut il aligner seulement des chiffres sur un bilan pour bien le faire ? il me semble que bien des éléments sont inquantifiables ou sont plutôt de l'impression, des faits, que purement chiffres. Parfois j'ai l'impression ainsi de n'avoir "rien fait" depuis 1985, ou rien réussi, ou pas réussi à ma vitesse nécessaire, ou trop lentement à Mattes, dans ce monde des vins qui n'était pas le mien.
Pourtant, alors mon scepticisme se brise en mille morceaux en voyant combien Mattes a changé en 30 ans. Certes, la ligne des collines est inchangée, les principaux arbres sont là, l'emplacement immuable. Mais les bâtiments ont rajeuni, les vignes ont multiplié les belles parcelles, les vins sont nés, et ont progressé, et ceci n'est pas tombé du ciel, mais voulu.
Les évènements n'ont pas manqué, racontés pour certains. Mais une fois que le sillon fut pensé et décidé, il a été suivi. Bien sûr, des efforts, du temps, et pas mal d'argent, mais pas que ceux ci, car beaucoup d'argent n'aurait pas donné plus de résultats, ni plus d'efforts, ce que je constate en voyant un voisin vaillant vendre à l'aube de sa retraite après des efforts qui m'impressionnent vraiment, a côté des miens. Je pense que le secret fut ailleurs, à la fois en moi, et dans les gens qui ont porté ce rêve et le portent encore. Comme de vieux soldats, nous pouvons être fiers de ce qui a été fait et qui l'est encore.
Mais le monde n'est pas resté immobile. Les autres domaines ont bougé pour la plupart. Je suis parfois frappé de la qualité d'humbles produits, cabernet, chardonnay, merlot, découverts ici ou là. Mais chaque fois, il s'y trouve a la base quelqu'un qui a voulu cette qualité là.
Je lisais cette nuit que les Chinois vont acquérir leur premier domaine en Languedoc, et que ce sera dans les Corbières. J'ai oublié le nom de ce domaine, qui deviendra sans doute célébre. Mais basiquement, ils ont raison. Les Corbières sont toujours et encore, et le restera, la région viticole où la géologie est la plus complexe - donc signe de diversité et de vins originaux - de France , et où la terre agricole est la moins chère.
Dans cette même revue, l'injustice ressentie en lisant qu'un vigneron de St Emilion, en 4 ans a redressé sa barraque, malgré bien des erreurs, et vend ses bouteilles à 56 € pièce. Il fait seulement 100 hl, sur un peu plus de 4 ha. Il est vrai que la terre coûte cher la bas, mais est ce "bien rationnel" ? sinon le miracle du nom, ce que j'appelle une injustice. Est ce que les mêmes consommateurs paieraient dix fois plus cher pour des salades de Corbeil, que pour celles de Perpignan ou l'inverse ? pourtant la réalité, c'est celle ci. Il existe quelques bons st emilion, mais souvent j'ai bu des horreurs indignes !! même dans les grands noms.
Sans doute le consommateur, le client moyen est abruti par les montagnes de papiers et de pub qu'on lui verse dessus, et qui l'aveuglent. Il en est de même des parfums, des vêtements, bientot des chaussures, des bijoux, des livres, des spectacles, des restaurants où l'illusion prime sur la réalité. Oui, jadis, j'avais l'impression que les gens "lucides" étaient plus nombreux. A tous les niveaux de la sté.
Je n'ai pas encore goûté les vins 2014, donc je ne peux pas rééllement faire le bilan de cette année assez bizarre a tous points de vue. Nous avons continué à investir largement, amplement, profitant de la hausse des cours, qui marque un mieux. Hélas les inondations d'il y a un mois montrent que la Nature est seule souveraine.
Une inquiétude, les vins blancs, nous allons connaître une rupture d'appro. La conjoncture export fut relativement molle, à l'exception des USA, en rédémarrage après des années noires. 2015 verra t'il un mieux ? Quand est il de la clientèle française ? je dirais hélas que les gens modestes soit locaux soit vacanciers qui dans les années 1995-2005 venaient volontiers au caveau, ne viennent plus et qu'on ressent généralement un souci d'économie et de bonnes affaires même pour les autres.
Mais 2014 a vu - et c'est important - notre clientèle gagner de nouveaux noms, et je suis fier de voir que certains apprécient les Mattes depuis parfois vingt ans. Car mon but, finalement, aura toujours été de voir le vin devenir meilleur, et surtout être accessible au plus grand nombre, pour un plaisir quotidien et abordable.
Etre le Berthillon des vignerons !!! Et je suis content que cette maison continue apres le décès du fondateur cette année.
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