Le premier est relatif à comment dire une observation anthropologique ou sociologique d'un même phénomène, un salon, vingt ans plus tard..je ne veux pas dire que c'est comme l'observation d'un village, mais a regarder la rivière, on voit des changements, même dans cette France qu'on dit bien souvent inchangée.
Le deuxième est plus centré sur les vins de Mattes, et leurs perceptions par le consommateur, là aussi vingt ans après.
Oui, voila plus de 20 ans que je n'avais pas replongé dans les entrailles de la Porte de Champerret, là ou se tient ce salon.
Des inchangés : les lieux, les stands, les frigos (pourtant loué 70 € la semaine), l'atmosphere, l'organisation. Bcp des vignerons d'alors ne sont plus présents, sans doute leurs affaires sont elles trop bonnes, et pour quelques autres, les visages ont changé, les enfants sans doute. l'absence de domaines très réputés, a part Daumas Gassac, et quelques autres. La bonne humeur des vignerons, qui malgré les régions différentes, sont restés malgré tout "des paysans de France", et même pour les nouveaux venus. C'est vraiment un côté France Eternelle, et des échanges comme jadis, sans se regarder comme concurrents, mais plutot confrères. Les élèves des ecoles de commerce n'ont pas encore envahi les vignobles.......
les changements : les consommateurs ont largement changé. Avant le client type était un homme de 50 ans, buvant régulièrement, et achetant parfois de grosses quantités, soit au dessus de 60 bouteilles, a expédier. Il recherchait un bon vin, pas trop cher, à boire tous les jours. Il pouvait venir en couple, ou non, mais madame n'intervenait pas. Le vin avant 1968 était une affaire d'hommes..
Maintenant, les clients réguliers de Mattes ne sont pas venus au salon, sauf une. le client traditionnel existe encore, mais ce qui frappe, surtout le week end, c'est l'invasion de jeunes couples (disons plus exactement paires, car souvent trop jeunes pour être mariés), où madame dirige, joue souvent à la connaisseuse, achete une ou deux bouteilles, après en avoir dégusté 10, que monsieur règle. Il n'est pas rare non plus de voir des groupes de filles, étrangères ou non, ou des groupes entiers de copains !!!
Oui, très formatés, très écoles de commerce. si l'on voulait pousser plus loin l'analyse, notamment transactionnelle, avant, le discours était vigneron client, très traditionnel, l'un parlant, l'autre écoutant, etc, dans un échange sobre. Maintenant, c'est bcp plus pintades, avec des questions qui se veulent judicieuses, le sont rarement, et sont plus à destination des copains copines autour qu'il convient d'étonner, alors qu'il n'y a nul concours en jeu...tout cela dans une atmosphere tres "before". Manifestement, sans être encore des patrons du CAC 40, la modestie leur paraît ou inutile ou superflue.
Je suis injuste, j'ai croisé et apprécié deux garcons, seuls, qui m'ont étonné. L'un étant un ex sciences Po, voulant se convertir aux vins pour le Japon, très éclaire, et le second, un garçon d'une vieille famille du métier..
Ensuite, alors que la France aurait une poussée anti-étrangers, plein de chinois, japonais, s'initient a nos vins, ou les apprécient. Mon dernier client vendredi fut un chercheur égyptien, et les deux premiers lundi matin, excellents connaisseurs des vins du sud, furent des américains de l'Ambassade, arrivant par le premier avion !! 6 chevreuse, et 6 apollon. MOndialisation ??? et vous voudriez fermer les portes ? commençons par balayer nos paliers.
Bref, le monde change, change vite, change fondamentalement....du moins quelques tentacules. Et Mattes dans tout cela ?
Il y a 20 ans, nous avions un seul vin, sinon deux. Le Bacchus, d'excellente facture, mais aujourd'hui abandonné. Il se voulait vin quotidien, à prix très raisonnable, ce qu'était le vin alors.
Maintenant, en rouges, le domaine propose 6 rouges, et un seul produit me semble encore manquer. Nous sommes capables de couvrir par les profils gustatifs de nos vins, de la région du sud de Lyon, au Bordelais grand cru classé. Peut être remonterons nous un jour jusqu'en Touraine, ou approcherons nous la Provence. Donc une offre beaucoup plus large qu'un simple Corbières.
L'image d'ailleurs n'est plus négative comme avant, même s'il a fallu beaucoup de temps, et que les limites ou la localisation de l'appellation semblent toujours inconnues. C'est un vin du Sud, du soleil, avec parfois de bons produits, au profil rustique pour beaucoup avant qu'ils ne les goutent.
Deuxième point que ce salon m'a confirmé, "les gouts restent bien différents et ancrés". Un auvergnat ne boira pas ce qui plait à un bordelais (et réciproquement), un normand, un nordiste, etc. donc les vins choisis seront différents : corsé, ou fruité, lisse ou plus typé, fondu ou plus typique, boisé ou non, etc. La syrah, par exemple, plaît davantage aux gens de la vallée du rhone, et les gens du sud ignorent souvent le pinot. Donc il y a encore une mosaïque française, qui s'atténue avec l'âge, et aussi l'habitude des vins.
Le goût américain existe aussi, etc. Pour moi, la surprise a été de découvrir le goût parisien, et les vins qui leur plaisent. L'été dernier, au caveau, j'avais été un peu déçu voire surpris que deux vins ne marchaient pas, ne décollaient pas, même dans les ventes de fin d'année. J'en arrivais à me poser des questions sur mon propre jugement. ou si j''avais perdu les pédales. le DIONYSOS et l'APOLLON.
Or, ce sont les deux vins qui ont été le plus appréciés et vendus sur Paris, a tel point qu'on a du refuser des demandes. La Sabran par contre, y trouve moins une clientèle. Le Chevreuse est bien apprécié, et jugé bien fait par les pro. On constate aussi que les gens n'ont plus de cave, cherchent des vins à boire rapidement, donc que les vins doivent être "buvables" sans attendre. Ils n'ont toujours pas idée des alliances plats vins.
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