Hier,à la fin d'une journée comme le peuple français les aime au mois de mai, avec grèves, manifestations, cris, disputes, blocages, propos des uns et des autres, le hasard a fait que j'écoute M. MELENCHON à la TV.
Oui, car il n'y avait pas de volonté de ma part, juste de l'actualité, et je ne me souviens même pas du sujet de l'émission. Mais j'aime écouter Melenchon, qui en général pense par lui même, assez passionnément, connaît un peu l'Histoire, et parle assez bien. Bref, qui secoue, qui émeut, qui débat, sans toujours convaincre, mais toujours réveille.
Il y a loin de Melenchon à la viticulture, me direz vous ? sans doute. Pourtant, j'y vois des points communs. C'est la raison et le motif de ce papier.
Sans être partisan, je fus étonné, sinon surpris par les questions de Pujadas, comme si Melenchon portait les évènements actuels. ou en était à l'origine. Il est probable qu'ils sont largement "issus de la base" - et elle semble parfois réservée envers lui - spontanés, browniens si j'ose dire, mais que tout cela se passe sans sa direction.
Son débat avec le boulanger (noir) de Montmartre me frappa davantage. Voilà un homme, dont je ne connais pas le parcours, qui semble se lamenter parce qu'il a 17 employés ! et qu'il se tracasse, sans doute, entre autres, parce qu'il a peur de devoir licencier, un jour ou l'autre, que le code du travail, etc. Mais Melenchon n'est pas le fisc, et ne lui demande pas son bilan, et ne comprend pas d'ailleurs la gestion, ce qu'il admet. Bref, un dialogue presque de sourds, entre deux hommes de bonne volonté. Je m'arrêtai là, mais le sommeil de la nuit faisant son effet, je me réveillai ce matin, avec des questions, et des conclusions.
Oui, Melenchon a tort de se faire le chantre de pays douteux ou en faillite, je veux dire le Vénézuela par exemple. Mais pourquoi le fait il ? Il a sans doute tort de dire que la révolution est pour demain, mais raison de penser que demain est à imaginer, qu'il ne sera pas comme hier, que rien n'est fait dans cette direction.
C'est en écoutant de tels débats ou de tels propos, qu'on prend conscience que non, la réalité, le raisonnement ne doivent pas être celui là, que le fait important, au départ, est un autre, et donc le cheminement, pour la solution, ne doit pas être celui la. Et qu'est ce qui fait que le point de départ ou le chemin à suivre ne soient pas les mêmes pour tous ? ainsi en fut il du débat - oublié aujourd'hui, mais si important entre 1917 et 1989 - de la Vérité du communisme, et de son avenir. Les uns voulaient des lendemains chantant l'Internationale, au nom du bonheur des peuples, d'autres voyaient des réalités différentes.
Ce fut Gide, qui avec son (simple) livre de retour d'URSS saisit, avec sa sensibilité propre et son intelligence, comprit les failles du système. Parti communiste, il en revint sceptique. Il fallut pourtant 50 ans, et bien d'autres errements (le Cambodge par exemple), pour que tous admettent les failles de cette doctrine.
Il est pourtant curieux que depuis 1989 que le débat ne se soit pas tourné vers le bien fondé du capitalisme, comme si c'etait un sujet à ne pas débattre. Il est vrai que les vaches hindoues qui encombrent nos rues sont nombreuses.et la moindre n'est pas le dérèglement du système monétaire international, où chacun fait ce qu'il veut, sans règle, sinon celle du plus fort.
Donc le point de départ de toute action est une vision, et la justesse ou l'erreur de celle ci. Mais comment celle ci est la bonne ou pas ?
Il y a un peu plus de 30 ans, je découvris une suite d'ouvrages, 5 si j'ai bonne mémoire, de François Mauriac, reprenant la plupart de ses chroniques hebdomadaires données aux journaux, depuis 1945. Donc jusqu'en 1970. Une période de 25 ans, qui fut importante pour la France et pour le monde, avec des débats clés, notamment la décolonisation, la IV° république, puis la V°, la naissance de l'Europe, la validité du communisme, la fin du monde rural, et aussi la fin de l'Eglise d'avant.
Ce qu'il y a de frappant, très frappant pour un esprit libre, c'est de voir comment cet homme isolé, sinon solitaire, si plongé dans le monde de la littérature, simplement avec ses lectures, ses rencontres, ses antennes, sa sensibilité, put parfois naviguer contre la pensée dominante, contre sa classe, mais que, dans la suite des évènements mis l'un derrière l'autre, cet esprit ne se trompe jamais sur l'analyse de ceux ci, et la conduite à prendre.
Curieux, j'écrivis au meilleur spécialiste de Mauriac, M. TOUZOT, pour savoir si cette justesse résultait du choix des chroniques - car il y a eu sélection, et tout ne fut pas repris - ou si cela provenait du métronome de la pensée de Mauriac.
Il me confirma fort gentiment - en homme qui a tout lu et étudié l'auteur - que oui, Mauriac ne se trompa que rarement. très rarement.
Je n'ai pas d'explication à cela. Mais je sais que cette intuition n'est pas héréditaire, car chacun de ses fils, a eu une lecture différente des mêmes choses. C'est donc de quelqu'un personnel, qui tient sans doute au fonds rural de Mauriac, à son caractère, a ses lectures, à sa curiosité, et oserais je le dire, à sa vision de la Création et du Monde.
Donc, déjà la vérité initiale n'est pas la même pour chacun. Quel est l'état de la France aujourd'hui ? que doit être un "bon" code du Travail ? chacun y repond avec sa vision, mais ce que nous savons de sûr, c'est que les visions sont différentes, et que toutes ne peuvent être les bonnes. donc les actions à faire ne peuvent pas être les mêmes.
En cet anniversaire de Verdun, un fait qu'on ne rappelle pas : de 1870 à 1914, quarante quatre ans, la France toute entière, du bas jusqu'en haut, ne fut tendue que sur un seul objectif, une obsession, pourtant implicite : la perte de l'Alsace Lorraine, et la revanche à prendre sur l'Allemagne.
On sait ce qu'il en advint. mais aujourd'hui, je serais bien en peine de passer un oral avec comme question : "en 2016, et depuis x années, qu'est ce qui mobilise la France ?"
Pourtant, sans examen critique, sans vision lucide, sans mobilisation de soi même et des autres, comment imaginer que les évènements aboutiront par eux mêmes a la solution idéale ? c'est s'en remettre au hasard plus qu'à la Providence. Frédéric de Prusse ne le pensait pas.
Imagine t'on un vigneron ne réfléchissant pas, et longtemps à l'avance, à l'emplacement de ses parcelles, au choix de ses cépages, aux goûts qu'il veut atteindre, à la qualité qu'il veut ou non faire, a l'ambition qu'il veut porter ? et aux efforts qu'il devra déployer jour après jour pour approcher de cela !
Longtemps, j'ai été frappé par ces murailles de pierres, que les paysans ardéchois accumulaient sur leurs collines pour tenir la terre et faire quelques petits champs !! que d'efforts pour survivre et tenir, pour s'adapter à cette terre si belle mais ingrate. que de vies usées dont aujourd'hui seuls ces murs témoignent.
Cela me ramène par bien des détours, à La Fontaine
Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage
Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août.
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.
Le Père mort, les fils vous retournent le champ
Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.
D'argent, point de caché. Mais le Père fut sage
De leur montrer avant sa mort
Que le travail est un trésor .
pour ne pas citer JS BACH, à qui le dernier Chevreuse est dédié. Oui, si je voulais être pessimiste aujourd'hui, et conclure pour le boulanger et M. Melenchon, et les autres, je dirais que ce qui est effrayant aujourd'hui, notre mur d'Alsace Lorraine, c'est certes le chômage élévé, mais qu'il n'est que le résultat de nos erreurs, cf l'Allemagne. Les deux choses à vaincre au plus vite sont : un système éducatif qui produit 20 % de déchets, ne sachant a peine lire écrire compter, tout en coutant cher, et bien sûr, un endettement public colossal, qui signe la perte de notre indépendance et de notre liberté d'action. 2000 milliards, certes, un peu plus de 10 % de la richesse des français - mais que dirais je si j'avais un tel montant d'endettement ? - mais surtout qui empêche toute réaction. Imagine t'on que même en rendant 50 milliards par an, somme colossale - l'or de la banque de France, fruit des économies de 200 ans n'en représente que 100 - il faudrait au moins 50 ans, pour "être libre" ? A quoi servent toutes les oeuvres endormies dans les caves du Louvre et d'ailleurs ? Oui, la maison brûle, entourée de grands pyromanes.
C'est dire si nos défis sont grands. Pour redresser le pays, il faudra du temps. Et viendront d'autres défis en chemin. En 30 ans - 6 quinquennats, sans élection - Mattes a bien changé, certes, a presque annulé son endettement, mais l'horizon a reculé, avec de nouvelles difficultés : marchés, mortalité des vignes, questions sur les phyto, sur les sols. Mais ce que je peux dire à M. MELENCHON, d'ailleurs comme je me le répète avec regret - je pensais qu'avec le Temps viendraient le repos mérité, et une moins grande tension pour moi - c'est que l'époque des "bras croisés" n'est pas encore pour demain, code du travail ou pas. Et à M. GATTAZ, de ne pas se contenter d'être le fils de son père. Oui, il est probable que les paysans d'Ardèche ont encore à nous apprendre.
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